Essai de caractérisation du domaine couvert par le traitement du signal

Figure 1: Schéma d'un système de génération et de traitement du signal

Traiter un signal, c'est extraire de l'information de mesures effectuées par des capteurs en vue d'atteindre un but donné. Ce but peut aller de la compréhension du monde physique (les physiciens, les météorologues, les géologues, les chimistes ou les biologistes, etc...) à l'action sur ce monde (en robotique, dans les applications militaires, etc...) en passant par la reconstruction d'un message transmis au moyen d'un médium physique, comme une onde, utilisé pour le transporter (c'est le cas des sons, des signaux de télécommunications, des signaux sonar ou radar). Ceci couvre des domaines d'applications extrêmement variés: dès qu'on utilise un capteur pour mesurer une quantité, on est amené à effectuer un traitement. Un schéma relativement général est donné par la figure 1.

Le phénomène physique qui a fait réagir le capteur a, en général, été émis par une ou plusieurs sources et présente des variations temporelles (comme un signal sonore) ou spatiales (par exemple une scène qu'on photographie ou qu'on filme). Ces sources émettent ou réemettent des signaux qui sont transmis par un milieu par exemple sous la forme d'ondes électromagnétiques, de sons, etc... Ces ondes qui portent l'information sur les sources peuvent être déformées : étalées dans le temps, atténuées ou retardées en fonction de la fréquence, réfléchies par des obstacles, etc... L'analyse et la compensation des déformations de formes très variables apportées par le milieu de transmission est sans doute un des problèmes centraux du traitement du signal.

Figure 2: Exemple de signal de communication déformé par un canal et par addition d'un bruit

Le signal mesuré par les capteurs est, la plupart du temps, entâché d'un bruit de mesure. Il présente des fluctuations qui ne sont pas uniquement déterminées par le phénomène étudié et qui peuvent en compliquer considérablement l'analyse. C'est par exemple le cas d'un signal déformé par un canal de transmission, d'un signal acoustique modifié par des échos et pollué par les signaux émis par d'autres sources sonores. La présence de ces perturbations et les tentatives pour en atténuer les effets, en particulier dans le domaine des télécommunications, sont à la base du développement de la théorie du signal.

Dans d'autres applications, c'est la grande variabilité du signal émis qui a suscité le développement de techniques de traitement numérique du signal, en particulier les techniques de reconnaissances de formes. Par exemple, il y a tellement de variations entre les formes possibles d'un son élémentaire du langage parlé (un phonème), qu'on ne sait toujours pas concevoir une machine capable de reconnaitre une phrase dite par quelqu'un dont elle n'a pas appris les caractéristiques vocales.

De manière générale, on peut dire que le signal mesuré par un capteur n'est pas parfaitement prévisible (il n'y aurait alors aucune raison de l'étudier.) Cependant, il n'est pas complètement imprévisible, car dans ce cas il ne serait pas possible d'en d'effectuer un traitement pour en extraire de l'information. Ces caractéristiques, perturbations et absence de prévisibilité, nécessiteront l'utilisation fréquente d'outils développés dans le cadre de la théorie des probabilités.

La seconde caractéristique suppose un certain degré de ``prédictibilité'' du signal. Le concepteur de l'unité de traitement du signal dispose d'une certaine connaissance sur le signal. Il aura donc à l'utiliser pour extraire les informations utiles du signal étudié, ce qui n'est pas toujours simple.

Il y a une autre difficultés au traitement des signaux mesurés dans le monde réel: leurs caractéristiques, même en termes de probabilités, ne sont en général pas parfaitement connues et un traitement ne s'avèrera utile que si son efficacité est démontrée sur des données réelles. Cela semble une banalité, mais il est regrettable que de nombreuses méthodes de traitement de signaux ne sont validées et justifiées que par des simulations sur des "cas d'école" abstraits: les signaux générés artificiellement présentent tous les hypothèses requises et les méthodes proposées permettent d'atteindre les objectifs fixés. Pourtant dès qu'on les confronte à des signaux réels, elles s'avèrent décevantes parce que les hypothèses retenues (souvent simplificatrices) pour la simulation ne correspondent pas toujours à la réalités des phénomènes mesurés.

Les quelques remarques précédentes sont des remarques banales et de bon sens, mais elles méritent tout de même d'être rappelées. En particulier, la réflexion sur les informations dont dispose le ``traiteur de signaux'' est trop souvent éludée par le concepteur de systèmes de traitement, qui se contente d'en donner une formalisation imprécise ou de les ramener à des modèles connus et manipulables mais qui sont excessivement simplificateurs. La recherche de cette connaissance sur les signaux et la manière dont ils ont été émis ou perturbés est probablement la partie fondamentale de l'étude et de la mise au point d'un système de traitement de signaux. C'est aussi la source d'une grande diversité dans les techniques de traitement. Cette diversité des techniques en fonction des applications permet difficilement de considérer le traitement du signal comme l'application d'une théorie; c'est parfois un regroupement de recettes variées très spécifiques des applications visées. Elles sont regroupées parce qu'elles relèvent des caractéristiques mentionnées ci-dessus : on traites de données mesurées par un capteur et ces données présentent des fluctuations qui ne sont pas parfaitement prévisibles. Il y a toutefois un certain nombre d'outils communs qui servent de base à beaucoup de méthodes et enseignés dans la plupart des cours d'initiation au traitement du signal. Ce cours a lui aussi pour but de décrire ces méthodes de base.
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