LES MESURES DIFFÉRENTIELLES.

  1. DÉFINITIONS
  2. MODE COMMUN ET MODE DIFFÉRENTIEL.
    1. Définitions.
    2. Fonction de transfert d'un ampli différentiel.
  3. NÉCESSITÉ D'UNE MESURE DIFFÉRENTIELLE.
    1. Remède à un couplage par impédance commune.
    2. Mesure de tension entre deux points flottants.
  4. L'AMPLI DIFFÉRENTIEL SIMPLE ET SES DÉFAUTS.
    1. Réjection du mode commun.
    2. Impédance d'entrée.
    3. Ajustage du gain.
    4. Conclusion.
    5. Le montage à éviter...

L'AMPLI D'INSTRUMENTATION.

  1. DÉFINITION.
  2. SCHÉMA À DEUX AMPLIFICATEURS.
    1. Impédance d'entrée.
    2. Gain en tension. Ajustage.
    3. Réjection de mode commun.
    4. Conclusion.
  3. SCHÉMA À TROIS AMPLIFICATEURS.
    1. Premier étage
    2. Montage complet
    3. Impédance d'entrée.
    4. Gain en tension. Ajustage.
    5. Réjection de mode commun.
    6. Comparaison avec l'ampli différentiel simple.
    7. Conclusion.
  4. PLAGE DE MODE COMMUN.

UTILISATION DES DIFFÉRENTS MONTAGES.



  1. LES MESURES DIFFÉRENTIELLES.

    On peut se poser la question de ce qui fait la spécificité d'une " mesure différentielle  ", car toute mesure de tension est par définition différentielle : il ne faut pas oublier qu'un potentiel absolu n'existe pas, et qu'on a toujours affaire à une différence de potentiel.

    Les définitions suivantes vont éclairer la notion de mesure différentielle.



    1. DÉFINITIONS

      On appellera mesure simple une mesure de tension entre deux points dont l'un est la masse du montage de mesure.

      C'est là qu'il faut se rappeler de la définition de la masse : c'est une équipotentielle du montage (théorique, voir chapitre " perturbations dans les mesures " !) qui sert de référence de tension à ce montage et dont le potentiel absolu est fixé arbitrairement à 0V (un potentiel est toujours défini à une constante près).

      Ce potentiel étant fixé arbitrairement, on ne parlera plus de différence de potentiel pour les autres points du montage, mais simplement de potentiel, sous entendu, différence de potentiel par rapport à la masse, le potentiel de cette dernière étant fixé astucieusement à 0V.

      Une mesure de tension simple est donc en réalité une mesure différentielle dont un des points est la masse. Seul nous intéresse le potentiel de l'autre point, que l'on nomme couramment " point chaud ".

      On appellera mesure différentielle une mesure de tension entre deux points quelconques d'un circuit, aucun d'entre eux n'étant la masse du montage.

    2. MODE COMMUN ET MODE DIFFÉRENTIEL.



      1. Définitions.

        Fig. 1. Montage amplificateur quelconque.

        Considérons le montage de la figure 1, à savoir un amplificateur à deux entrées et une sortie. Dans le cas général, sa fonction de transfert sera de la forme :

        Par définition, on va appeler tension différentielle d'entrée la valeur :

        De la même manière, on définit une tension de mode commun  :

        On peut voir intuitivement la signification ces définitions : la tension différentielle est simplement la différence des deux signaux ; la tension de mode commun est la moyenne arithmétique des deux signaux.

        Tout se passe comme si on remplaçait les deux signaux e1 et e2 par un signal commun (la moyenne) additionné des variations autour de ce signal commun (la différence).

      2. Fonction de transfert d'un ampli différentiel.

        Reprenons l'équation [1], donnant la fonction de transfert de l'ampli de la figure 1. Nous allons mettre cette équation sous la forme suivante :

        Pour ce faire, il suffit de procéder à un changement de variables ; on groupe dans l'équation [4] les termes en e1 et e2, et comme les équations [1] et [4] doivent être équivalentes pour toutes les valeurs de e1 et e2, on identifie leurs coefficients entre les 2 équations  :

        La résolution du système donne le résultat suivant :

        Au final, on retrouve :

        La formulation [4] est particulièrement intéressante, car elle met en évidence deux termes, l'un proportionnel à la tension différentielle (le gain différentiel du montage AVd), et l'autre proportionnel à la tension de mode commun (le gain de mode commun AVMc).

        On peut formuler plus simplement cette équation, qui est la fonction de transfert générale d'un amplificateur de différence :



    3. NÉCESSITÉ D'UNE MESURE DIFFÉRENTIELLE.

      Si certaines mesures différentielles servent uniquement à améliorer la précision d'une mesure (notamment en évitant des couplages par impédance commune), d'autres présentent un caractère obligatoire, car dans ces cas là, une mesure simple est impossible. Nous allons étudier ces deux cas de figure.



      1. Remède à un couplage par impédance commune.

        Fig. 2. Mesure simple sur shunt.

        Nous avons vu au chapitre " perturbations dans les mesures " l'effet d'une mesure simple sur un shunt traversé par un fort courant. Nous supposerons ici que l'amplificateur représenté sur les figures 2 et 3 est une partie d'un appareil de mesure dont la masse est reliée à la terre.

        Sur la figure 2, les masses Mm du montage et Ma de l'amplificateur ne sont pas au même potentiel, car le courant parasite circulant dans Rcbl créé une chute de tension qui va s'additionner à la tension à mesurer et la fausser.

        Il est possible de résoudre ce problème par une mesure différentielle :

        Fig. 3. Mesure différentielle sur shunt.

        La figure 3 diffère de la figure 2 par la structure de l'amplificateur : il est ici monté en différentiel, et va mesurer la différence de potentiel présente aux bornes du shunt. La tension parasite aux bornes de Rcbl ne gêne en rien la mesure (dans le cas d'un amplificateur parfait !), car elle augmente (légèrement) uniquement la tension de mode commun vue par l'amplificateur, elle ne change en rien la tension différentielle qui reste celle aux bornes du shunt, quoiqu'il arrive.

        Nous avons donc résolu ici le problème de perturbation par impédance commune sans rendre flottant quelque appareil que ce soit. Le montage est ainsi précis et sûr.

      2. Mesure de tension entre deux points flottants.

        Il existe un autre type de mesures nécessitant obligatoirement une mesure différentielle : c'est lorsqu'on veut mesurer une tension entre deux points dont aucun n'est la masse. Il est évidemment hors de question de brancher un de ces deux points à la masse d'un instrument de mesure (à l'exception notable des multimètres alimentés par piles ou accus) sous peine de créer des courts circuits fâcheux !

        Fig. 4. Mesure sur shunt flottant.

        L'exemple de la figure 4 montre quasiment la même chose que celui de la figure 3 mis à part le fait que le shunt n'est plus relié à la masse.

        La mise à la masse d'une des bornes du shunt entraînerait la mise en court-circuit d'une partie du montage électronique, ce qui entraînerait des dysfonctionnements, voire sa destruction, et pourrait détériorer l'instrument de mesure.

        En instrumentation, une catégorie très répandue de mesures " flottantes " est celle du déséquilibre d'un pont de jauges (voir figure 5). Celui-ci est composé de 4 résistances identiques qui vont légèrement varier sous l'effet d'un paramètre physique à mesurer (pression, contrainte...). Il apparaît une tension entre les bornes du pont qu'il va falloir amplifier.

        Une des caractéristiques importantes de ce montage est la tension de mode commun : elle est égale à la moitié de la tension d'alimentation, soit quelques volts. Cette tension de mode commun est beaucoup plus grande que le signal utile (quelques mV et parfois moins), et va perturber notablement la mesure.

        Fig. 5. Mesure en pont.



    4. L'AMPLI DIFFÉRENTIEL SIMPLE ET SES DÉFAUTS.



      1. Réjection du mode commun.


        • Amplificateur parfait.

          Reprenons l'exemple précédent de la mesure en pont (Fig. 5.), et calculons la tension de sortie Vs en fonction de e1 et e2 qui sont les tensions d'entrée du montage différentiel (par rapport à la masse), et des paramètres de ce montage.

          Nous allons considérer que l'amplificateur opérationnel est parfait, et aura les caractéristiques suivantes :

          gain en tension différentiel infini.

          gain de mode commun nul.

          impédances d'entrée infinies.

          Si on tient compte de ces hypothèses, les tensions v+ et v- à l'entrée de l'ampli sont égales à :

          Cette dernière équation est obtenue à l'aide du théorème de superposition.

          L'ampli étant parfait, on a v+ = v- (gain infini). On en déduit facilement la valeur de la tension de sortie :

          Si on pose :

          en substituant AVdo à sa valeur dans [12] et compte tenu de la propriété suivante :

          on obtient :

          C'est le résultat classique d'un amplificateur opérationnel monté en différentiel. Il est obtenu en considérant que l'ampli est parfait, et que les résistances sont rigoureusement appariées (équation [13]).

          Nous allons voir maintenant, toujours en considérant que l'amplificateur opérationnel est parfait, quel est l'impact de résistances mal appariées sur le résultat.

          Nous supposerons que toutes les résistances R1 à R4 sont définies à une tolérance près. On a :

          où Rin est la valeur nominale de la résistance et e la tolérance autour de cette valeur nominale (ex : ±5%).

          On admettra que l'erreur maximale a lieu pour :

          On peut définir les deux coefficients suivants :

          On remarquera que les dernières formulations de k1 et k2 sont des approximations valables uniquement si e est petit. En pratique, e ne dépassera pas 5%, donc, cette hypothèse est justifiée. L'équation [12] devient alors :

          Cette formulation est un cas particulier de l'équation [1]. Ce qui nous intéresse, ce sont les valeurs de AVd et AVMC (équation [6]) correspondantes en fonction de k1 et k2 :

          qu'on peut mettre sous la forme condensée :

          On peut encore expliciter ces expressions en reprenant les valeurs de k1 et k2 des équations [18] et [19]. Le gain différentiel devient :

          Le terme 4e2 est un terme du deuxième ordre : on va le négliger devant les termes en e, d'où :

          Si on divise tout par (1+AVdo), et qu'on tient compte du fait que e << 1, on arrive au résultat suivant :

          Si dans ce résultat, on fait e = 0, on retrouve AVd = AVdo. Dans le cas général, l'erreur relative commise sur le gain différentiel variera de e pour un gain AVdo = 1 à 2e pour un gain très élevé. Il faut se rappeler que cette erreur est l'erreur maxi, obtenue avec les résistances agencées de la pire façon.

          Le gain de mode commun est plus simple à évaluer :

          On retrouve un gain de mode commun nul pour une erreur e nulle. Ce gain varie dans le cas général de 2e pour un gain différentiel nominal AVdo égal à 1, à 4e pour un gain différentiel élevé. Il reste faible, de l'ordre de grandeur de e, mais si on se réfère à ce qui a été dit plus haut, il va amplifier la tension de mode commun, qui peut être, elle, beaucoup plus grande que la tension différentielle.

          La tension de sortie est donnée par l'équation [8] qui fait intervenir les gains et tensions différentiels et de mode commun. On peut introduire ici la notion de taux de réjection de mode commun (TRMC, CMRR en Anglais, pour Common Mode Rejection Ratio) :

          A l'aide de ce terme, on peut expliciter l'équation [8] de la façon suivante :

          Cette formulation est très intéressante, car elle donne la tension de sortie en fonction du gain différentiel et de la tension différentielle augmentée d'un signal d'erreur. Ce signal est égal à la tension de mode commun divisé par le taux de réjection de mode commun, qui sont deux données connues ou aisément calculables.

          Si on reprend les équations [28] et [31], la valeur du TRMC devient :

          On constate que le TRMC va augmenter quand la tolérance sur les résistances va se resserrer, et de plus, il va augmenter avec le gain différentiel AVdo de l'étage. Ce résultat est important, car il montre que le plus mauvais cas sera celui du gain unité.

          Application numérique  : reprenons l'exemple de la figure 5 avec les données suivantes :

          AVd = 1000

          e1 - e2 = 2 mV

          E = 10V

          résistances R1 à R4 à 1%

          On peut calculer le TRMC à l'aide de l'équation[36] : TRMC = 25025, soit 88dB.

          La tension de mode commun est égale à la moitié de la tension d'alimentation, soit 5V, ce qui nous fait un signal d'erreur ramené à la tension différentielle égal à 0,2mV, soit 10% du signal utile !

          On peut améliorer le montage en augmentant la précision des résistances, mais cela va devenir difficile avec des composants discrets. De plus, l'amplificateur n'est pas parfait : il possède son propre TRMC, qui va perturber la mesure même si les résistances sont parfaitement appariées.

        • Amplificateur réel.

          Les constructeurs de circuits intégrés donnent la valeur du TRMC pour leurs amplificateurs opérationnels, et fournissent aussi généralement une courbe de Bode qui représente ce taux de réjection en fonction de la fréquence (fig. 6 et 7).

          Fig. 6. TRMC amplis LF 155/6/7. (Doc. NS).

          Fig. 7. TRMC amplis LM 118. (Doc. NS).

          Il est possible de calculer le TRMC global d'un montage différentiel en tenant compte de la tolérance des résistances et du TRMC propre de l'ampli. Il faut pour cela reprendre les équations [9] et [10] et prendre pour Vs une formulation telle que celle donnée en [8]. Après une série de calculs laborieux, on arrive au résultat suivant :

          Attention ! Le TRMC de l'ampli est généralement donné en dB. Il faut le convertir (ex : 80dB = 10 000) avant de l'injecter dans l'équation [37] !

          Discussion

          Si on fait e = 0 dans cette équation, on obtient pour le TRMC global du montage le TRMC intrinsèque de l'ampli.

          Si on fait tendre le TRMC de l'ampli vers l'infini, on retrouve logiquement le résultat obtenu avec un ampli parfait (équation [36]).

          Le TRMC du montage sera de toutes façons inférieur au plus petit des 2 TRMC pris séparément, à savoir celui de l'ampli et celui dû au mauvais appariement des résistances.

          Si on reprend l'application numérique précédente, et qu'on considère que l'ampli utilisé a un TRMC intrinsèque de 90dB, l'équation [37] nous donne un TRMC global de 14000, ou 83dB (-5dB dus à l'ampli), ce qui fait une erreur de 0,36mV, soit 18% du signal utile à amplifier !



      2. Impédance d'entrée.

        De ce point de vue, le montage différentiel simple est fortement dissymétrique ; les impédances des entrées + et - ne sont pas égales, ce qui va nuire à une bonne précision, et surtout, risque de perturber le capteur : en effet, les courants qui vont sortir des deux bornes de sortie du capteur (dans le cas où celui-ci n'est pas un dipôle, ce qui est vrai pour un pont de jauges) vont être différents ; comme les impédances des deux sorties du capteur sont égales, il va en résulter des chutes de tension différentes, ce qui va générer un signal d'erreur supplémentaire.

      3. Ajustage du gain.

        Ce montage possède un troisième inconvénient : même si on réussit à apparier convenablement les résistances pour obtenir un bon TRMC, si on veut modifier le gain de l'ampli, tout est à refaire : il faut changer deux résistances à la fois et les apparier... Il serait plus commode de n'avoir qu'un composant à changer.

      4. Conclusion.

        Ce montage différentiel classique va donc être handicapé par la qualité de l'ampli utilisé (son TRMC), et la dispersion inévitable des résistances qui l'entourent.

        Les impédances des deux entrées sont dissymétriques, ce qui va créer un déséquilibre fâcheux au niveau du capteur en pont de jauges. Ce montage est difficilement ajustable.

        Pour des mesures délicates, il va donc falloir trouver un montage ayant une meilleure réjection de mode commun, des impédances d'entrée égales et élevées, et si possible, des possibilités d'ajustage simplifié.

      5. Le montage à éviter...

        Pour les forts gains, le plus gros problème qu'on va rencontrer sur un montage différentiel simple est la faiblesse des impédances d'entrée.

        Il existe un montage dit " potentiomètrique " qui permet de résoudre ce problème, et de plus, autorise l'ajustage du gain avec une seule résistance !

        Le gain est obtenu en câblant la contre réaction d'un ampli différentiel simple non pas directement sur la sortie, mais sur un pont diviseur R1/R2 placé sur la sortie, ce qui aura pour effet de multiplier le gain par le rapport des résistances du pont diviseur.

        Le montage différentiel simple peut donc avoir un gain de 1, et les résistances R pourront être de forte valeur (quelques M), ce qui donnera une forte impédance d'entrée au montage. Le gain s'ajustera simplement en faisant varier R2.

        Fig. 8. Montage potentiométrique.

        Mais attention  !!! Ce montage n'est pas adapté à l'instrumentation, car les variations des composants (tolérance initiale, dérive thermique, vieillissement...) sont multipliées par le gain : il est donc particulièrement instable.

        Il ne faut toutefois pas jeter ce schéma aux orties : pour des applications ne nécessitant pas trop de précision, il peut donner une réponse simple, efficace et à faible coût.



  2. L'AMPLI D'INSTRUMENTATION.



    1. DÉFINITION.

      Les amplificateurs d'instrumentation ne sont pas des amplificateurs opérationnels. Ce sont des circuits complets associant plusieurs amplificateurs opérationnels et les composants nécessaires à leur bon fonctionnement : résistances, capacités de compensation...

      Ces amplificateurs peuvent être fabriqués à l'aide d'éléments discrets, mais la plupart du temps, on leur préférera des amplis intégrés, se présentant sous la même forme que des amplificateurs opérationnels.

      Ces composants intégrés auront plusieurs avantages sur les montages à éléments discrets :

      simplicité de mise en œuvre.

      nombre de composants limité.

      très grande précision, due notamment à un ajustage par laser des résistances sur la puce. Ce procédé va permettre d'apparier les composants de bien meilleure façon qu'avec des composants discrets, et autorisera des TRMC beaucoup plus élevés.

      fonctions annexes : réglage simple du gain, circuit de garde, conversion tension/courant en sortie...

      Les amplis d'instrumentation se distinguent notamment des amplificateurs opérationnels par le fait qu'ils ont un gain " faible " comparé à ces derniers (de 1 à 1000 contre 106 et plus), et qu'ils s'utilisent sans contre réaction.

      Il existe aujourd'hui des amplificateurs opérationnels de très grande précision, présentant des caractéristiques proches de celles des amplis d'instrumentation (tensions et courants de décalage d'entrée, TRMC, impédance d'entrée...).

      Quand on choisira un ampli d'instrumentation dans un catalogue de fabricant de silicium, on veillera à ne pas confondre les deux types de composants.

      On pourra être tentés de fabriquer un ampli d'instrumentation avec ces amplificateurs opérationnels spéciaux ; dans certains cas (besoin de rapidité, TRMC élevé à haute fréquence...), on pourra y gagner, mais il ne faudra pas oublier qu'il sera nécessaire d'apparier les résistances de façon très " serrée ".

    2. SCHÉMA À DEUX AMPLIFICATEURS.

      Fig. 9. Montage différentiel à deux amplis.



      1. Impédance d'entrée.

        Par rapport à l'amplificateur différentiel simple, ce montage est très amélioré du point de vue des impédances d'entrée : elles sont égales et de grande valeur (impédance d'entrée des amplis-op, soit >106 ).

      2. Gain en tension. Ajustage.

        Pour simplifier le raisonnement, on peut considérer le montage comme étant la concaténation de deux amplis :

        le premier (1) est un montage non inverseur qui va amplifier la tension e2.

        le deuxième (2) est un montage soustracteur qui va amplifier la différence entre la tension e1 et la tension de sortie Vs1 de l'ampli 1.

        On a :

        En remplaçant Vs1 par sa valeur (équation [38]) dans [39], et en posant AVdo = k+1 on obtient :

        Du point de vue du réglage, ce montage n'apporte rien de plus que le montage différentiel simple : il faut toujours changer deux composants pour le faire varier.

      3. Réjection de mode commun.

        On peut refaire un calcul strictement analogue à celui fait pour le montage différentiel simple. On va retrouver un résultat similaire (quoique très légèrement différent) : le TRMC sera égal à :

        Le résultat est légèrement différent de celui trouvé pour le montage différentiel simple (équation [36]), mais l'ordre de grandeur reste le même.

        Ce montage est encore plus défavorable dans le cas du gain unité : le TRMC sera égal à 1/4e contre 1/2e dans le montage différentiel simple.

      4. Conclusion.

        Ce montage est intéressant du point de vue des impédances d'entrée, mais il n'apporte rien par rapport au montage précédent pour ce qui est du mode commun et de la faculté d'ajustage : il faut apparier les composants de la même manière pour obtenir un bon TRMC, et il faut changer deux composants pour ajuster le gain.

        Toutefois, si on désire un étage à gain fixe et élevé, et qu'on soit capable d'apparier les résistances avec une précision suffisante, on peut obtenir un montage correct, ayant une impédance d'entrée élevée, et un TRMC de l'ordre de 90dB, ce qui est suffisant pour bon nombre d'applications en instrumentation.



    3. SCHÉMA À TROIS AMPLIFICATEURS.



      1. Premier étage

        Fig. 10. 1er étage différentiel à deux amplis.

        La mise en équation est très simple ; on va encore utiliser le fait que les entrées v+ et v- des amplis sont égales, et que les impédances d'entrées sont infinies.

        Le courant circulant dans r et dans les deux résistances R sera donc le même, ce qui permet d'écrire :

        La tension de mode commun à l'entrée du montage est :

        D'autre part, le mode commun en sortie vaut :

        On peut calculer les valeurs de Vs1 et Vs2 facilement :

        On en déduit la valeur de la tension de mode commun en sortie VMCs :

        Pour mieux voir le phénomène, on peut aussi raisonner sur une " échelle des potentiels croissants " :

        Fig. 11. Échelle des potentiels.

        L'axe des x n'est pas vraiment un axe ; il représente la référence de potentiel du montage. Le mode commun étant égal à (e1+e2)/2, il va arriver au niveau de " la moitié " de la résistance r. Les deux sorties des amplis vont voir leur potentiel augmenter (Vs1, ampli 1) et diminuer (Vs2, ampli 2) symétriquement par rapport à ce potentiel (si les deux résistances R sont égales), car le courant circulant dans les trois résistances est le même.

        Il faut noter ici que si les amplis sont alimentés symétriquement par rapport à la masse, rien n'empêche Vs2 d'être négatif, et ceci sans que le raisonnement ne change.

        Sur ce graphique, il apparaît donc clairement que le potentiel de mode commun est le même à l'entrée et à la sortie du montage. On peut se poser la question de l'utilité de ce dernier...

        En fait, il faut remarquer que si la tension de mode commun n'a pas bougé, la tension différentielle (le signal utile) a été amplifiée du facteur (2R+r)/r, qui peut être très élevé. Tout se passe comme si la tension de mode commun avait été divisée (relativement au signal utile) par le gain de l'étage.

        Pour rendre ce montage utilisable, il va falloir se débarrasser du mode commun, et référencer le signal de sortie Vsd à la masse. On va le faire très simplement en ajoutant un montage différentiel classique en sortie du premier étage.

      2. Montage complet

        Fig. 12. Montage différentiel à trois amplis.

        Attention au câblage de l'ampli différentiel de sortie !!! Il est tel qu'on va amplifier la différence e1 - e2 .

      3. Impédance d'entrée.

        Le capteur voit deux entrées d'amplificateurs opérationnels (qui seront de préférence appariés : on choisira un boîtier contenant deux ou quatre amplificateurs), soit une impédance élevée et constante.

        Le deuxième est attaqué par les sorties des amplis du premier étage, qui sont très faibles (<1) : même si les impédances des deux entrées sont faibles et de valeurs différentes, cela n'aura pas d'incidence sur le résultat.

        Du point de vue des impédances d'entrée, notre montage est (presque) idéal !

      4. Gain en tension. Ajustage.

        Si AVd2 est le gain différentiel du deuxième étage, on va avoir, pour le montage global :

        On remarque qu'il est très simple de faire varier ce gain en modifiant uniquement la résistance r. Ce montage est donc meilleur que les deux premiers pour ce critère.

      5. Réjection de mode commun.

        Nous avons vu que le premier étage laissait intacte la tension de mode commun (équation [49]).

        Regardons ce qui se passe au niveau du deuxième étage. Nous avons affaire à un étage différentiel simple : on va utiliser les résultats obtenus plus haut.

        En transposant l'équation [33] à notre montage, on obtient :

        où AVd2 est le gain du deuxième étage et TRMC2 son taux de réjection de mode commun global (ampli et tolérance des composants).

        Si on remplace (Vs1 - Vs2) = Vsd par sa valeur (équation [44]), et en posant :

        on trouve :

        On retrouve ici par le calcul le résultat qui avait été énoncé intuitivement lors de l'étude du premier étage : tout se passe comme si le signal d'erreur généré par la tension de mode commun était divisé par le gain du premier étage.

        Cela revient à dire qu'on multiplie le TRMC2 du deuxième étage par le gain Avd1 du premier étage.

        Le TRMC du montage global vaut :

        En pratique, dans un tel montage, le premier étage donnera tout le gain, et le deuxième étage aura un gain unité. Le TRMC global aura alors une valeur élevée, d'autant plus que lorsque ce schéma sera intégré sur une puce de silicium, un ajustage par laser des résistances de l'étage de sortie lui donnera un bon TRMC.

      6. Comparaison avec l'ampli différentiel simple.

        On peut voir l'impact de l'appariement des résistances du deuxième étage. Si on reprend les données relatives à ce montage, on a :

        Nous avons dit que le gain AVd2 du deuxième étage était en général égal à 1. Compte tenu de l'équation [54], on aura un TRMC total de :

        Ce résultat est à rapprocher de celui de l'équation [36]. La valeur est la même pour les deux montages dans le cas où le gain différentiel total est égal à 1, et on tendra vers un TRMC total égal au double (+6dB) de celui de l'ampli différentiel simple pour les fortes valeurs de gain.

      7. Conclusion.

        Il faut donc relativiser le résultat trouvé au premier abord, qui consiste à dire qu'on multiplie le TRMC du deuxième étage par le gain du premier étage : en effet, le TRMC du montage différentiel est proportionnel au gain différentiel, et dans le cas de l'amplificateur d'instrumentation, le deuxième étage a un gain unité, ce qui est défavorable au TRMC.

        On note qu'on gagne tout de même 6dB pour les forts gains (erreur divisée par 2), et surtout, on a des impédances d'entrée élevées, indépendantes du gain, et ce gain est réglable par une seule résistance.

        Le TRMC restera moyen pour un gain global de 1. En pratique, ce cas se rencontre rarement. Les amplificateurs d'instrumentation répondent à un besoin d'amplifier de façon précise et stable de très faibles tensions continues ou quasi-continues superposées à une tension de mode commun élevée. Les signaux à amplifier nécessitent souvent un fort gain, qui va générer un TRMC important.

        Si un gain faible est requis, il est probable que le signal utile ne sera pas petit devant la tension de mode commun, ce qui rend moins gênante la " faiblesse " du TRMC.



    4. PLAGE DE MODE COMMUN.

      Dans tous les montages différentiels, il faudra prendre garde à un paramètre : la plage de mode commun admissible par les composants.

      Un ampli d'instrumentation est composé d'amplificateurs opérationnels alimentés par des tensions continues. La tension d'entrée va en général être limitée par les tensions positive et négative d'alimentation.

      C'est surtout vrai pour les amplis d'instrumentation dont les entrées sont des entrées d'amplis opérationnels, avec toutes les restrictions que cela impose. Par exemple, il sera hors de question de faire rentrer un signal ayant une tension de mode commun de 20V sur un ampli d'instrumentation alimenté en ±15V.

      Pour ces montages, on fera aussi attention aux limites imposées par les tensions de sorties maxi des amplis. Si on reprend l'échelle des potentiels de la figure 11, il faudra veiller à ce que les tensions S1 et S2 restent dans des limites acceptables pour l'ampli : cela implique que la somme des tensions de mode commun et du signal amplifié soit inférieure à la limite de saturation des amplis.



  3. UTILISATION DES DIFFÉRENTS MONTAGES.

    Aucun des montages cités dans ce chapitre n'est mieux ni moins bien qu'un autre. Ils représentent tous des compromis, et certains seront meilleurs sur un paramètre et moins bon sur un autre...

    La solution idéale n'existe donc pas ! Il faudra jauger au cas par cas et utiliser le montage le mieux adapté.

    Nous allons faire ici le tour de groupes d'applications et donner des indications entraînant le choix le plus judicieux. Tous les cas cités ci-dessous concernent uniquement la mesure différentielle.



    • Faible signal quasi-statique avec forte tension continue de mode commun.

      L'ampli d'instrumentation à 2 ou 3 amplis opérationnels est ici de mise. Si le montage doit être adaptable (gain ajustable), on choisira le montage à 3 amplis.

      Dans le commerce, on trouve ces composants tout intégrés, avec même certains qui incluent plusieurs résistances permettant de programmer différents gains (souvent 1, 10, 100 et 1000).

    • Fort signal avec forte tension continue de mode commun.

      Ici, un montage différentiel simple de faible gain fera probablement l'affaire, car son impédance d'entrée pourra être suffisante, et le TRMC ne sera pas moins bon qu'un ampli d'instrumentation. Pour des forts TRMC requis, on pourra choisir des amplis différentiels de gain unité intégrés (ex : INA 105 de Burr-Brown). Les résistances ajustées au laser permettent d'obtenir des TRMC supérieurs à 80dB.

    • Mesure différentielle permettant d'éviter le couplage par impédance commune.

      Dans ce cas, la tension de mode commun est relativement faible. Par contre, les fréquences mises en jeu peuvent être élevées, autant pour le signal utile que pour le signal de mode commun.

      Il faudra plutôt utiliser un montage différentiel simple bâti autour d'un ampli-opérationnel rapide, ayant une bande passante étendue et une réjection de mode commun élevée en fréquence (un LM118 suffira pour des applications ordinaires et on se tournera vers un OPA627/637 par exemple pour des applications exigeantes : l'OPA637 a un TRMC supérieur à 100dB à 100kHz, un produit gain bande passante supérieur à 45MHz, ceci avec une tension d'offset de l'ordre de 100 V !)

      Ces amplis sont des standards de l'industrie, et on les retrouvera chez de nombreux fabricants (sous des appellations parfois différentes : LM627 chez NS et OPA627 chez Burr-Brown par exemple).

    • Faible signal rapide avec forte tension de mode commun à composantes haute fréquence.

      Les amplis d'instrumentation du commerce sont en général relativement lents (coût de la précision en statique), car les capteurs délivrent souvent des signaux variant lentement. Par conséquent, si on doit amplifier des signaux rapides entachés de tensions de mode commun haute fréquence, il faudra " bricoler " (très proprement quand même) avec des amplificateurs opérationnels haute performance (tel celui pré-cité), et apparier les résistances du mieux qu'on peut.

      Il ne faudra surtout pas oublier les capacités parasites (voir chapitre précédent) qui vont diminuer la réjection de mode commun en haute fréquence. Le circuit devra être câblé de façon symétrique pour que les capacités parasites soient égales, et il faudra peut-être rajouter des capacités de compensation... La mesure devient ici de l'art !


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